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samedi 6 décembre 2025

2025 - SOUVENIR - La gare d'Aire.

 


Lundi 3 septembre 1878; Aire vit un rêve : la gare est inaugurée.

Lundi 3 septembre 1878; Aire vit un rêve : la gare est inaugurée.
Les trains vont passer à heures fixes et les voyageurs doivent franchir en cinquante minutes l'espace qui sépare Aire de Saint-Omer.
La gare est pavoisée, des mâts chargés de drapeaux, de fausses portes s'ornent d'inscriptions "Honneur aux Ingénieurs", "Soyez les bienvenus".
Un air de fête envahit les rues et les couleurs nationales flottent aux fenêtres des maisons.
À 9 heures, la musique du 73º de ligne se joint à l'harmonie municipale.
À 11h30, le maire, entouré du conseil municipal, se rend à la gare, accompagné des sapeurs-pompiers où plus de 2 000 personnes accueillent le cortège. Au coup de sifflet, la locomotive, depuis si longtemps désirée s'avance, majestueuse.
M. Lefebvre de Grosriez, sous-préfetM. Duméril, maire de Saint-Omer, des conseillers généraux descendent du train sous les applaudissements de la foule.
M. Lambert, maire d'Aire, prend la parole pour vanter les mérites du train : "L'inauguration du chemin de fer sera pour nous et pour la riche contrée qui nous avoisine le point de départ d'une nouvelle ère de prospérité". Puis il se montre optimiste et lyrique : "L'avenir se présente à nous sous l'aspect le plus favorable. L'Industrie, le Commerce et l'Agriculture qui se donnent la main dans cette fête sont pourvus de l'instrument nécessaire à leur développement. Attendons avec confiance, habitants de la ville d'Aire, les résultats de leur activité féconde ..
A son tour, le sous préfet, représentant du gouvernement républicain que la France s'est donnée, se fait, lui aussi le chantre du progrès et d'un avenir radieux​ : ​"N'est-ce pas le travail qui donne la paix aux hommes de bonne volonté, n'est-ce pas lui qui guide sans cesse vers un meilleur avenir notre société moderne, active et laborieuse, pénétrée de l'esprit scientifique, croyant à la justice et au progrès, pour tout dire en un mot, essentiellement démocratique ?​". Le soir, les rues sont illuminées et un magnifique feu d'artifice clôt cette journée qui va rester dans les annales de la cité.
Il a fallu 40 ans pour qu'Aire ait son chemin de fer; 40 ans de démarches, d'enquêtes et de combats.
La première bataille date de 1838. La municipalité a tout de suite compris l'intérêt du chemin de fer avec l'espoir qu'Aire soit une plaque tournante entre Lille et Boulogne et Arras et Calais - ambition justifiée par sa position géographique. Mais en 1843, on apprend que le tracé retenu pour la ligne Arras - Calais passe par Béthune et Hazebrouck. Et le 28 juin 1848, la Chambre des députés choisit Hazebrouck comme nœud ferroviaire aux dépens d'Aire. Première défaite pour la cité.


Une deuxième bataille s'engage en 1853. Il faut desservir le bassin minier par le chemin de fer et ouvrir une ligne entre Arras et la mer. L'espoir renaît, la municipalité vote une subvention de 200 000 f. pour la construction d'une gare. Mais le ministre des Travaux publics décide la construction de deux stations, l'une à Thiennes, l'autre à Berguette. Le 4 janvier 1862, le chemin de fer d'Arras à Hazebrouck est inauguré : il ne passe pas par Aire. Deuxième défaite pour la ville.
Extrait du livre "Histoire d'Aire sur la Lys" sous la direction de Bruno Béthouart, "De la Révolution au réveil Contemporain, d'espoirs en déceptions : 1815 - 1918", sauf erreur de ma part l'auteur en est Jean Fournier décédé récemment. Ce livre m'appartient, je vous le recommande !




2025 - SOUVENIR - Le petit train de Fruges.

La ligne d'Aire à Berck, la gare de Coyecques

 


Le petit train de Fruges.

Forte de ce succès, Aire se lance un nouveau défi : être la tête de pont d'une nouvelle ligne de chemin de fer. La compagnie de chemin de fer du Nord a mis en service des voies ferrées d'intérêt général sans desservir l'ouest du département. Un espace délimité par les villes de Saint-Omer, Béthune, Saint-Pol-sur-Ternoise et Étaples est dépourvu de moyens de communications modernes. Les autorités airoises pensent que leur ville peut être plus prospère si toute la vallée de la Lys est exploitée, couverte d'usines comme l'est la vallée de l'Aa. Un projet de chemin de fer reliant Aire à Anvin par Fléchinelle se dessine mais les Airois constatent très vite que cette ligne qui suit la vallée de la Lacquette présente peu d'intérêt pour leur ville : la rivière traverse le canton voisin de Lillers et ses habitants ne fréquentent pas les marchés airois.
Une nouvelle étude d'un chemin de fer d'Aire à Fruges suivant la vallée de la Lys, en passant par Thérouanne est confiée à une commission animée par Augustin Labitte, ancien conseiller municipal. Le 17 septembre 1878, il rend compte au conseil municipal des travaux de la commission.
Premier point : les chemins de fer de Fléchinelle et de Thérouanne peuvent-ils coexister? Le conseil départemental est-il assez riche pour contribuer à la création de deux chemins de fer parallèles à 5 km de distance sur une longueur de 20 à 28 km. Il n'est pas sage de penser que l'on puisse établir deux voies aussi rapprochées l'une de l'autre.
A quelle ligne donner la préférence ? Au point de vue commercial, les villages de Mametz, Rebecques, Clarques et Thérouanne concernés par la voie d'Aire à Fruges, ainsi que les villages voisins, appartiennent tous au canton d'Aire.
Les importantes usines de Moulin-le-Comte, Mametz, Crecques et Thérouanne sont tributaires de la ville d'Aire.
Le pays au-delà de Thérouanne jusqu'à Fruges avec les moulins de Delettes, Coyecques, Dennebrœucq est en rapport constant avec le pays d'Aire.
Arrosée par la seule Lys, cette vallée entretient avec Aire des rapports très étroits; il faut donner la préférence au chemin de Thérouanne sur celui de Fléchinelle.
Autre point important à qui doit être confiée l'étude du chemin de Thérouanne? Augustin Labitte estime que cette deuxième étude devrait être confiée à un ingénieur des Ponts et Chaussées et il se propose pour représenter la ville au conseil départemental lors des séances préparatoires en se faisant l'avocat de sa ville, de son canton mais aussi des arrondissements de Saint-Omer et de Montreuil qui sont les plus déshérités du département. Le conseil municipal adopte, à l'unanimité, les conclusions de ce rapport et vote, pour l'étude de la ligne d'Aire à Fruges, une subvention de 1 000 francs.
Le 28 septembre 1886, le conseil général du Pas-de-Calais vote la concession d'un chemin de fer partant d'Aire, traversant les communes de Mametz et de Thérouanne, se rendant à Fruges, de là à Montreuil et aboutissant a la plage de Berck.
Léon Guillemin n'hésite pas à écrire dans L'Écho de la Lys : La ligne d'Aire à Berck va devenir pour notre ville une grande source de prospérité ».
Les travaux ne commencent qu'en septembre 1892.
Le train de Fruges à Estrée-Blanche

L'Écho de la Lys du 8 septembre 1892 constate que « si les travaux continuent sans obstacle et avec la même rapidité, nous verrons bientôt les locomotives prendre la direction de Moulin-le-Comte et de Thérouanne ». Le 14 mars 1893, le tronçon Aire - Fruges est inauguré : un train spécial quitte Arras à 8h35 et arrive à Fruges à 10h15.
La ville accueille avec tous les honneurs personnages officiels et invités : le ministre des Travaux publics, représenté par M. Menche de Loisne, inspecteur général des Ponts et Chaussées, Alexandre Ribot, député, de nombreux sénateurs, députés et conseillers généraux. Après un déjeuner - lunch, les invités montent dans le train qui va les conduire à Aire. Sur tout le parcours, fanfares, acclamations, gares pavoisées, pétards et même coups de fusils se succèdent. Jamais la vallée de la Lys n'a connu pareille fête ni tel engouement. Après de nombreux arrêts, le train drapé aux couleurs nationales rejoint la gare d'Aire et reçoit l'accueil enthousiaste de la population airoise. A 5h1/2, un banquet de 140 couverts est organisé dans le grand salon de l'hôtel de ville. Enfin, un feu d'artifice clôture cette journée mémorable, avec en apothéose une locomotive qui se dessine dans le ciel au-dessus de la grand-place.
« Le p'tit train de Fruges », comme l'appellent affectueusement les Airois, va être l'un des moyens de transport les plus importants à l'ouest d'Aire pendant la première partie du XXe siècle.
De 1893 à19524, année de sa fermeture, le train de Fruges sert de trait d'union entre les populations de la vallée de la Lys : lien économique pour les agriculteurs et les industriels, mais aussi pour les petits paysans qui peuvent se rendre aux marchés d'Aire pour y vendre leurs légumes, leurs fruits ou leurs volailles.
La ligne Aire - Fruges ferme en 1952, la gare d'Aire en 1954. (L'Écho de la Lys du 4 octobre 1954).
Texte et photos extraits du livre en ma possession "Histoire d'Aire sur la Lys" sous la direction de Bruno Béthouart. Cette partie du livre a été écrite par Jean Fournier récemment décédé.
Augustin Labitte, est né et a été inhumé au hameau de Saint Quentin à Aire sur la Lys. Il était notaire rue d'Arras à Aire sur la Lys. Il a été conseiller municipal. Il était le fils de Pierre François Labitte et de Marie-Aldegonde Rolin. Leur fille Marie Henriette Augustine était mariée à Guislain Constant Célestin Pigouche industriel à Quiestède.
La gare de Moulin le Comte autrefois
Horaires du petit train de Fruges